30 ans que les banlieues réclament justice et que des revendications
précises ont été formulées au travers de marches,
de révoltes, de grèves de la faim, de manifestations et de réunions
publiques. 15 ans que le Ministère de la Ville a été créé
pour répondre à la relégation sociale et la ségrégation
urbaine des cités. Les gouvernements passent avec leurs lots de sigles
et de recettes miracles "politique de la ville, rénovation urbaine, cohésion
sociale : DSQ, ZEP, ZUP, ZAC, ANRU.... ". Nos
quartiers servent de défouloir pour des politiques et des médias
en mal de petites phrases assassines sur les "territoires perdus de la République",
"parents irresponsables", "zones de non-droit" "mafiatisation" et autres "dérives
islamistes". Les habitant-e-s, et notamment les jeunes, sont stigmatisé-e-s
et désigné-e-s comme les principaux responsables des dérives
de notre société. Ca ne coûte pas cher de donner des leçons
de civisme et de montrer du doigt les "racailles" ou les "sauvageons" en les jetant
à la vindicte populaire.
Les
banlieues deviennent une problématique à part, dont on confie la
gestion à la police et à la justice. Pourtant des révoltes
des Minguettes (1981) à celles de Vaulx-en-Velin (1990), de Mantes-la-Jolie
(1991) à Sartrouville (1991), de Dammarie-les-Lys (1997) à Toulouse
(1998), de Lille (2000) à Clichy sous Bois (2005), les messages sont clairs
:
Assez des crimes et des violences policières impunis, des contrôles
aux faciès, des écoles au rabais, assez de chômage programmé,
de sous-emplois, de logements insalubres, assez de la prison, assez de hagra et
d'humiliations ! On s'habitue aux souffrances silencieuses de millions d'hommes
et de femmes qui subissent au quotidien des violences sociales bien plus dévastatrices
qu'une voiture qui brûle.
Il est légitime de se révolter face à cet ordre social
!
Parce
que nous refusons de déléguer notre pouvoir à ceux qui ne
nous représentent pas, le Forum social des quartiers populaires sera un
espace d'affirmation d'une parole politique, sociale et culturelle à partir
des expériences, des histoires, et de la mémoire de nos quartiers.
Il sera le lieu de réflexions et de convergences de luttes locales, toutes
et tous ensemble donnons leur une visibilité nationale !
Nos
quartiers et leurs habitant-e-s sont riches d'histoires et de traditions d'engagements.
Des révoltes d'esclaves à la Commune de Paris, de l'Etoile nord-africaine
à la Main d'Oeuvre Immigrée (MOI), de la manifestation du 17 octobre
61 aux luttes pour la résorption des bidonvilles et des cités de
transit, des grèves des foyers Sonacotra à la Marche pour l'égalité,
de l'occupation de l'usine Talbot Poissy au mouvement des chômeurs, du mouvement
des sans-papiers au comité contre la double peine ; tous ces combats sont
constitutifs de l'histoire politique, sociale et syndicale de France. Sortons
de l'amnésie collective et de l'ignorance politique pour nous réapproprier
notre mémoire et notre histoire. Les
mouvements d'éducation populaire et les centres sociaux ont été
mis en faillite depuis bien longtemps, par les pouvoirs publics en place. Nous
affirmons que nous avons aussi notre responsabilité lorsque nous ne faisons
rien. Il n'est pas question d'entretenir la démagogie selon laquelle ce
serait toujours les autres qui seraient responsables de tous nos malheurs, nous
ne pouvons ignorer notre responsabilité collective. A nous d'inventer des
formes de solidarités réelles pour améliorer nos conditions
de vie. Nous
avons beaucoup à dire du racisme, des violences policières, des
discriminations sociales, raciales et culturelles, de l'islamophobie, de l'histoire
coloniale et de ses conséquences, etc. mais nous refusons d'être
cantonnés à cela. Nous avons autant à dire de la santé,
de l'éducation, du travail, du libéralisme, du sexisme, de l'environnement,
des rapports Nord-Sud, de l'information, des formes de résistances et de
libération, des combats pour la justice, pour l'égalité,
pour la liberté… L'enjeu est d'initier une présence comme
acteurs et actrices à part entière, produisant nos propres discours
et des pratiques autonomes. L'avenir de nos quartiers dépend de nous, de
vous. Notre
volonté ne se réduit pas à défendre les quartiers
pour les quartiers. Nous avons besoin de références communes et
d'une stratégie collective clairement assumée. Les banlieues occupent
une place centrale dans nos villes, et ne peuvent être gérées
de manière spécifique. Le forum, qui aura lieu les 22, 23 et 24
juin 2007 à St Denis, sera un lieu d'élaboration collective pour
agir. Nous appelons toutes celles et tous ceux pour qui la question des quartiers
est une priorité, à prendre leurs places au sein des collectifs
d'organisation. De nombreuses rencontres et discussions ont abouti à la
création d'une association nationale ayant pour objet l'organisation du
Forum social des quartiers populaires. Dès à présent, nous
vous invitons à nous rejoindre, au travers des collectifs régionaux
d'organisation (Paris, Lyon, Montpellier, Toulouse) pour préparer et construire
cet événement national. Le
forum sera un rendez vous pour celles et ceux qui veulent construire une force
et une parole collective issus des quartiers. Il est impératif de dépasser
nos identités propres et de nous appuyer sur la diversité de nos
histoires politiques, associatives, électorales, faites de revendications,
de luttes et de participations. Carte
d'identité, carte de séjours, sans papiers, toutes et tous, des
quartiers ou d'ailleurs, vous invitent à nous rejoindre pour faire de ce
rendez-vous des quartiers, un moment de convergence politique, social, culturel,
festif, pour imposer une expression commune et offensive de toutes les cités.
Quelle que soit l'issue des élections, nous avons besoin d'un mouvement
national des quartiers, seule garantie, pour avancer vers l'égalité. |